Pour engager la discussion, avec vous, sur le parti architectural de votre projet…
Voici une approche théorique autour de deux définitions.
Flaine, un parti architectural fort, une réalisation sans compromis.
1. Une définition simple avec sa métaphore culinaire
Par Marc Crunelle, professeur d’architecture
» Le parti, c’est l’idée-force, le choix principal, c’est la colonne vertébrale du projet, le geste qui s’exprime ou que l’on comprend tout de suite. Ce sont donc des décisions franches mais néanmoins longuement réfléchies. Certains architectes ont ainsi trouvé l’expression la plus juste pour le programme demandé, une solution brillante, et quelquefois, une image qui, par la suite deviendra archétype,…
[…] Un même projet peut posséder ainsi 3 ou 4 partis forts. Souvent ils s’énoncent clairement en quelques mots-clés ou courtes sentences: “tout transparent”, “tout fluide”, “tout cloisonné”, etc…
On pourrait faire un parallèle avec un repas.
Le programme, c’est un souper pour 7 personnes, avec un budget moyen. C’est à vous à proposer une idée : On peut faire un repas de saison, un repas exotique, un repas low calories, un repas basé sur une couleur principale (tous les plats ont des légumes rouges,…), un repas où les gens sont “actifs” (Barbecue, fondue, etc…),…
Mais un parti, c’est plus que cela, c’est par exemple, de proposer un repas basé sur 3 éléments : comprenant un plat de la mer, un plat de la terre et un plat de l’air. C’est un parti fort. Que vous ayez un budget important, cela produira du homard en entrée, et ensuite du sanglier et des cailles, Et si vous avez un très petit budget, cela donnera des sardines, du porc et du pigeon. L’idée forte restera quel que soit le budget. C’est cela un parti.
[Le parti] C’est un certain niveau d’abstraction, c’est plus que du fonctionnel, de l’anecdote. Et plus le parti est fort, plus il résistera aux contraintes, aux aménagements, aux restrictions de budget, aux diminutions de l’ambition de départ.”
2. Après cette mise en bouche, une définition plus engagée
“Cours d’architecturologie” écrit par les professeurs P.Boudon, P.Deshayes, F.Pousin et F.Schatz, editions de la Villette (Paris 1994), texte remanié par Pierre de Cafmeyer.
» Un bâtiment est le plus souvent construit à partir d’un programme donné par le maître de l’ouvrage. Parallèlement, il est soumis à des contraintes de nature diverse : site, règlements, coût, etc… Mais l’édifice n’est pas que la résultante des données initiales et des contraintes : il s’appuie également sur un « parti architectural ».
Le travail de l’architecte ne relève pas seulement d’automatismes qui réagissent à des contraintes déterminées. La conception d’un édifice est portée par des choix, des intentions, des décisions que permet, ou auxquelles renvoie, l’idée. […]
Les idées de l’architecte sont à comprendre comme des convictions générales, des croyances, des engagements ou, plus simplement, des opinions. Il s’agit aussi d’influences diverses, souvent culturelles, que recherche l’architecte lorsqu’il est en en situation d’éveil, de réceptivité. L’architecte et plus largement tout concepteur se trouvent souvent en recherche d’inspiration.
[…] L’ idée […] permet de mettre en rapport intellect et production matérielle : l’idée, quelque part, opère dans le travail de l’architecte. L’idée soulève le problème du rapport entre l’esprit et la réalité sensible, entre la connaissance intelligible et la connaissance sensible.
Un des thèmes fondamentaux concernant le rapport de l’idée à l’œuvre est celui de son rôle : génère-t-elle l’édifice ou est-elle générée par le travail même de l’édifice? L’idée peut procéder soit d’un choix, d’une intention a priori, soit, dérivant du travail de conception en cours, d’un choix, d’une intention a posteriori. Les architectes parlent de « parti architectural » lorsque l’idée a pour fonction de représenter de façon synthétique l’objet visé mais, même sous cette définition unificatrice, ne doit pas cacher les contradictions inhérentes à tout travail de projet.
L’idée sous-entend un parti hiérarchisé et oriente les choix de l’architecte, mais ne permet pas forcément de résoudre la totalité des contradictions rencontrées dans la mise au point d’un projet.
L’architecte est alors amené à faire des compromis pour résoudre ces contradictions. C’est grâce au caractère ouvert (c’est-à-dire donnant lieu à plusieurs possibles) que l’architecte peut effectuer des choix qui ne seront pas nécessairement arbitraires.
Un « parti architectural » trace des directions, mais fixe également des limites à la liberté totale. Une idée peut se révéler, au cours du travail de conception, floue, approximative voir contradictoire avec les solutions qu’elle suscite, et dès lors ne peut être poursuivie. L’idée première est alors abandonnée au profit d’une autre qui peut être suggérée par le travail en cours.”